Lorsqu’un employeur accepte de prêter de l’argent à un salarié, mieux vaut rédiger un contrat de prêt en bonne et due forme. Celui-ci fixe les modalités de versement des sommes, et prévoit le remboursement de celles-ci. Le prêt ne doit d’ailleurs pas être confondu avec une avance ou un acompte.
Accorder un prêt
Cas exceptionnel. – L’employeur, à qui le salarié demande un prêt, peut le refuser. S’il l’accorde, il ne peut le faire qu’à titre exceptionnel et pour des motifs d’ordre social, sauf s’il s’agit d’un organisme financier (c. mon. et fin. art. L. 511-6).
Percevoir des intérêts ? – L’employeur peut appliquer un taux d’intérêt, mais dans ce cas, il ne peut pas dépasser le taux d’usure publié au Journal officiel (c. consom. art. L. 314-6, L. 341-50 et D. 314-15).
Contrat de prêt. – Si l’employeur consent le prêt avec des intérêts à un taux conventionnel différent du taux légal, un écrit est obligatoire (c. civ. art. 1907). Il en va de même si la somme prêtée excède 1 500 € pour un prêt sans intérêt (c. civ. art. 1359 80-533 du 15 juill 1980juillet 1980, art. 1 modifié par décret 2016-1278 du 29 septembre 2016, art. 1, JO du 30).
Pour autant, on ne peut que souligner qu’un écrit reste toujours recommandé afin d’indiquer :
-le montant des échéances, le mode et les dates de paiement ;
-le taux d’intérêt légal, s’il y a lieu (en cas de taux conventionnel, l’écrit est obligatoire, voir ci-avant) ;
-le tableau d’amortissement ;
-les modalités de remboursement (chèque, virement automatique, etc.) ;
-les éventuelles conditions d’exigibilité anticipées ;
-le sort du prêt en cas de rupture du contrat de travail.
Le contrat de prêt permet de prouver, en cas de litige, que l’employeur a consenti un prêt et non accordé un don ou payé une somme en contrepartie d’un travail effectué. En effet, la remise de fonds à un salarié ne suffit pas en soi à prouver qu’il s’agit d’un prêt (cass. soc. 10 janvier 2001, n° 98-46408 D). De plus, le contrat de prêt permet de fixer le terme de celui-ci. À défaut, l’employeur ne peut pas reprocher au salarié l’absence de remboursement rapide et fixer unilatéralement la date d’échéance de remboursement (cass. soc. 22 janvier 2014, n° 12-23565 D).
À distinguer de l’avance ou de l’acompte. – Le prêt doit être totalement indépendant de la relation de travail, pour ne pas le confondre avec une avance ou un acompte sur salaire. Il y a avance sur salaire lorsque l’employeur verse une somme qui correspond à un travail non encore effectué par le salarié. Il s’agit d’une facilité que l’employeur consent. L’acompte, pour sa part, permet au salarié de percevoir avant la fin du mois la partie du salaire correspondant au travail qu’il a déjà effectué. Avance et acompte disposent de modalités de remboursement spécifiques.
En matière de prêt, les dettes respectives du salarié et de l’employeur naissent de deux contrats distincts (contrat de prêt, contrat de travail) (cass. soc. 7 avril 1998, n° 96-40145, BC V n° 204). La compensation étant exclue et pour éviter toute confusion avec l’avance ou l’acompte, le contrat de prêt peut spécifier l’interdiction de compensation avec le salaire (voir Dictionnaire Social, « Compensation »).
Déclarer le prêt au Fisc. – Lorsque le montant du prêt est égal ou supérieur à 760 €, le salarié doit le déclarer à l’administration fiscale, via l’imprimé 2062 qu’il joint à sa déclaration de revenus (CGI, ann. III, art. 49 B ; CGI, ann. IV, art. 23 L).
Toutefois, si plusieurs prêts ont été consentis pour des montants à chaque fois inférieurs à 760 €, mais dont les sommes additionnées donnent un résultat supérieur ou égal à cette somme, alors c’est l’employeur qui doit effectuer la déclaration via l’imprimé 2062.
S’assurer du remboursement
Selon la nature des sommes. – Lorsque le prêt a été accordé dans les règles (voir ci-avant), l’employeur peut se faire rembourser selon les modalités prévues dans le contrat de prêt (échéance, taux d’intérêt, etc.). Le prêt ne peut pas être déduit de la paie, il doit être remboursé directement par tout moyen de paiement défini à l’avance entre l’employeur et le salarié, et ce afin d’éviter les restrictions liées à la compensation sur salaire.
À noter
Selon les juges, la créance de l’employeur résultant d’un prêt consenti dans le cadre d’une convention distincte du contrat de travail pour une durée spécifique n’est pas une avance sur salaire. La compensation avec le salaire est possible dans la limite de la fraction saisissable (cass. soc. 15 janvier 2014, n° 12-19739 D ; voir Dictionnaire Social, « Saisie des rémunérations »). Cette solution doit être interprétée avec précaution, mieux vaut l’éviter pour se prémunir de toute confusion.
En pratique, le salarié pourra rembourser par chèque ou par virement sur le compte de l’entreprise, voire payer en espèces contre reçu.
Cotisations sociales. – En principe, le prêt est exonéré de cotisations lorsqu’il est stipulé remboursable en totalité. À l’inverse, si le contrat prévoit une dispense de remboursement, le prêt est considéré comme une avance à fonds perdu et constitue un avantage soumis à cotisations (cass. soc. 14 mai 1975, n° 73-14938, Bull. n° 261).
Rupture du contrat. – Il est possible de prévoir dans le contrat de prêt une clause spécifique de remboursement anticipé en cas de rupture du contrat de travail, en indiquant précisément les cas visés (cass. civ., 1re ch., 9 mai 1994, n° 92-15063, BC I n° 171). À défaut, c’est l’échéancier initial qui s’appliquera.
En tout état de cause, l’employeur ne peut pas compenser les sommes restant dues au titre du contrat de prêt avec les salaires et indemnités dus au salarié (cass. soc. 24 mars 1988, n° 85-45088, BC V n° 218).
Absence de remboursement. – Si le salarié ne rembourse pas les sommes prêtées, l’employeur peut toujours agir en justice pour les récupérer, ou mettre en œuvre les éventuelles garanties prévues dans le contrat de prêt.
Décès du salarié. – Le décès du salarié entraîne la rupture automatique du contrat de travail mais il n’annule pas le prêt qui ne serait pas intégralement remboursé. Les sommes doivent donc être remboursées à l’employeur par le notaire en charge de la succession, ou à défaut, par les héritiers (c. civ. art. 730-1).
Modèle de prêt au salarié
M.…sollicite de la société …, son employeur, un prêt exceptionnel de …€ qui lui est accordé.
Ce prêt est remboursable sans intérêt, chaque mois par chèque (variante : par virement automatique sur le compte n° …) d’un montant de … .
M … pourra se libérer de sa dette par anticipation, en totalité ou en fractions non inférieures à … €. Les règlements effectués par anticipation s’imputeront sur les échéances restant à courir.
En cas de rupture du contrat de travail de M … pour quelque cause que ce soit, avant extinction totale de sa dette, les sommes restant dues seront versées sous un délai de … .
Fait en deux exemplaires.
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